“Reconstruire, à ceux qui aiment la France”, une tribune de l’ancien DGGN Roland Gilles

La crise des Gilets jaunes révèle une double fracture, sociale et républicaine, dans notre pays, analyse le général d’armée (2s) Roland Gilles. Si la question sociale doit se résoudre par le dialogue, l’Etat doit répondre par l’éducation et l’autorité à la fracture républicaine, assure l’ancien directeur général de la Gendarmerie.

D’abord publiée par Les Echos, voici la version originale de sa tribune qu’il nous a communiquée.

Le général Roland Gilles, ancien directeur général de la Gendarmerie. (Crédit/M. GUYOT/ESSOR).

Décembre 2018 aura cristallisé les diverses fractures qui mettent à mal l’unité du pays. Le sentiment d’injustice et d’abandon, le déferlement de revendications de tous ordres dans l’hystérie médiatique, la violence des manifestations révèlent une fracture sociale majeure, une partie de notre population s’estimant exclue de l’accès à un bien vivre minimal.
Au-delà, les entraves à la liberté première de circuler et de travailler, le saccage et le pillage répétés des lieux publics et biens privés, l’action concertée de casseurs défiant systématiquement l’autorité établie témoignent d’une fracture républicaine qui s’aggrave dans le pays, sans même parler du crime terroriste né et opéré sur notre terre française.

La cohésion de la nation est en jeu

Ces fractures font émerger la question désormais prioritaire de l’unité nationale derrière les valeurs et principes de la République. C’est la cohésion même de la nation qui est en jeu et qui appelle plusieurs actions.

La fracture sociale appelle une réponse politique. Le désir légitime d’un mieux vivre matériel exprimé par une partie conséquente de la population ouvre de nombreux dossiers dont ceux de la justice fiscale, de la vraie rétribution du travail, de la juste attribution de l’assistance. Au-delà des mesures financières d’application immédiate prises, le Président de la République et le gouvernement ont invité chacun, à court terme, à participer à la réflexion pour prolonger l’action. C’est maintenant la priorité, après les manifestations de rue qui, pour plusieurs raisons, n’ont plus vocation à perdurer. Trop mobilisatrices de forces de l’ordre, elles sont de surcroit souvent prises en otage par casseurs et pilleurs. De même, il serait préjudiciable de fragiliser plus encore l’activité économique du pays, celle-là même qui crée la richesse à redistribuer. L’entreprise, le commerçant, l’artisan, l’employé ont besoin de travailler.

La fracture républicaine interpelle à la fois le citoyen et l’Etat. L’intérêt collectif est progressivement dépassé par l’intérêt particulier ; le “droit à ! ” l’emporte sur l’obligation et les devoirs à l’égard de la communauté. Un pacte social restauré nécessite de chacun le respect des libertés fondamentales d’autrui ; le droit collectif à manifester ne peut entraver gravement la liberté individuelle de circuler, de travailler, d’entreprendre.

Le fonctionnement démocratique du pays est fragilisé. Notre démocratie représentative, issue d’un long cheminement historique pavé d’expériences multiples, se voit opposer une démocratie de la rue abondamment relayée par les chaînes d’information continue et amplifiée par l’écho dévastateur des réseaux sociaux. L’émotion l’emporte sur la réflexion et libère une expression hétéroclite d’injonctions, de la plus recevable à la plus irréfléchie, la plus irréalisable. Si le champ du referendum peut encore être amendé, le principe de la délégation de responsabilité à l’élu par le vote – et de la sanction par le même vote à l’échéance – est irremplaçable. L’hyper – démocratie ne doit pas tuer la démocratie.

L’Etat quant à lui, porte la responsabilité première du respect des valeurs et principes de la République. A la fracture républicaine, il doit répondre par l’éducation et par l’autorité.

Inculquer à chacun et exiger de chacun le respect de ces et principes s’impose. La liberté, l’égalité (l’équité), la fraternité (la solidarité) sont l’héritage de notre histoire passée. Notre histoire plus récente nécessite d’adjoindre et d’affirmer le principe de laïcité. Il y a là priorité éducative.

Casser les casseurs”

L’image insupportable des saccages et pillages répétés appelle la plus grande fermeté. Il faut aujourd’hui casser les casseurs ! Au-delà, les défis lancés à l’Etat sur son propre territoire sapent la confiance du plus grand nombre des Français dans l’avenir même du pays. Un principe intangible est que les lois de la République ont une valeur supérieure, en tous lieux, en tout temps, à celle de toute philosophie, croyance religieuse ou dogme autres.

Le communautarisme assis sur la promotion de règles différentes de celles de la République est un défi à la cohésion nationale qu’il faut aujourd’hui aborder directement, avec pédagogie à certains égards, avec fermeté et sans concession assurément. Pour cela et sans qu’ils soient bien sûr exclusifs, les outils de l’action régalienne, incluant la politique pénale, ont besoin d’être renforcés. Nos polices et gendarmerie, nos armées, notre justice méritent la plus grande attention.

Compréhension et autorité

Les Français observent l’avenir avec interrogation. La restauration de la confiance et de l’unité nationale passe par la compréhension et l’autorité. L’enjeu de l’unité est d’autant plus important que se profile le débat prochain sur la place, la dimension et le rôle de l’indispensable Union européenne.

Général d’armée (2S) Roland GILLES
Ancien directeur général de la Gendarmerie nationale
Ancien ambassadeur de France à Sarajevo
Président d’honneur de l’UNPRG

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