Les trente-six gendarmes déportés sortis de l’ombre
Trente-six gendarmes du Lochois ont été déportés après la rafle du 27 juillet 1944 à Loches. Hier, une cérémonie particulière leur a rendu hommage.
Leurs noms ont retenti dans la cour de la caserne Bathias, silencieuse. Un à un, ils ont été cités, leur patronyme accompagné de « Mort pour la France » pour vingt-neuf d’entre eux. Et de « Rentré des camps » pour sept d’entre eux.
Hier après-midi, en présence d’une centaine de membres des familles des gendarmes déportés en 1944 au camp de Neuengamme, le colonel Gonzague Prouvost, chef de la gendarmerie d’Indre-et-Loire, le commandant Franck Duruisseau, chef de la compagnie de Loches, ont célébré la mémoire des trente-six gendarmes résistants. Bien que sous les ordres de Vichy, ils ont été 12.000 à œuvrer dans la résistance, a rappelé le colonel Prouvost. Ainsi, « 1.141 ont donné leur vie, un millier est rentré des camps », a-t-il précisé.
“ Elle est belle, la gendarmerie…” A Loches, la Gestapo et la milice française ont arrêté environ 300 personnes, parquées dans la cour de l’école Vigny, le 27 juillet 1944, il y a 75 ans. Cinquante-huit hommes et six femmes ont été déportés, seize sont revenus des camps.
Le 12 juin 1944, les gendarmes du chef-lieu ont été mobilisés dans la caserne de Loches. Hasard ou préméditation, questionne le colonel Prouvost. Trente-six ont été accusés de résistance passive. « Elle est belle, la gendarmerie française qui a su résister », a adressé aux familles, le colonel Prouvost.
Pour marquer ce triste anniversaire, deux gendarmes férus d’histoire, l’adjudant-chef Geoffrey Besnoit et le gendarme Fredy Richard, aidés du commandant Duruisseau, ont constitué une base de données des martyrs. Ils ont pu mettre une photo sur chaque nom, présenté au public sur un kakémono. « Ce passé nous arrive droit dans la figure, a commenté le commandant Duruisseau. Il faut que cela reste dans les mémoires ».
Le poids des images, 75 ans après, plus fort que la plaque commémorative, qui a été hier symboliquement déposée (elle est en cours de rénovation pour être posée dans la future caserne). La déportation des militaires lochois serait la plus importante en France qu’a connue la gendarmerie.
Les familles présentes Bernard Luneau a été privé de son père, Aimé. Il avait deux ans. Un père devenu un héros, la caserne de Blois portant son nom. Il a rappelé la vie après, pour sa mère. « C’est surtout pour les mères que cela a été dur. Les familles ont dû quitter les logements, pour laisser la place à d’autres gendarmes », indique-t-il. Et survivre, trouver un travail, s’occuper des enfants… Il a souligné l’aide de la gendarmerie dans ces épreuves. Dans la famille Luneau, on ne parlait pas. Question de survie. « Je n’ai su que tardivement le passé de mon père », dit Bernard Luneau.
Monsieur Bourgeois avait 23 jours quand son père Joseph a été arrêté par la Gestapo. Lui est revenu des camps. « Il s’est reconstruit, a agrandi la famille avec deux garçons. Il nous a inculqués les valeurs de respect et de tolérance », dit-il.
La famille Bathias était également présente. Trois générations réunies pour se souvenir du lieutenant Henri Bathias, commandant la section de gendarmerie de Loches. La caserne de Loches porte encore son nom. Monique Bathias, sa belle-fille, ne l’a pas connu. « Mon mari Pierre avait douze ans. Il a passé toute sa vie à rechercher des témoignages sur son père. Ma belle-mère ne s’en est jamais remise. Pour les familles, cela a été des drames », affirme-t-elle.
La future caserne ne s’appellera plus Bathias, mais Alexandre-Bossot, du nom d’un autre déporté. « Je suis très émue d’être ici, mais cela me fait quelque chose que la nouvelle caserne ne porte plus le nom de Bathias », admet Monique Bathias. L’explication donnée aux familles : une caserne ne peut pas avoir le même nom pour deux endroits différents.
Ref ; La Nouvelle république .fr
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