Prise d’otages à l’ambassade de France aux Pays-Bas il y 45 ans.

 

C’était il y a 45 ans, le garde républicain Marcel Hervio, aujourd’hui retraité porte drapeau de l’UNPRG UD 56, est mis à la disposition du Ministère des Affaires Etrangères en qualité de garde de sécurité diplomatique à l’ambassade de France à La Haye (Pays-Bas) du 15 mai 1972 au 20 mai 1976. Il a pour mission avec le garde Christian Denis, d’assurer la sécurité des agents du poste diplomatique, celle des locaux diplomatiques, et rendre effective l’inviolabilité des locaux diplomatiques et consulaires telle qu’elle est prévue par les conventions de Vienne signées en 1961 et 1963. Les emprises diplomatiques sont des cibles privilégiées pour les attaques terroristes. Notre camarade revient pour « la Voix du Gendarme » sur la chronologie de l’attaque de l’ambassade de France à La Haye le 13 septembre 1974.

Le vendredi 13 septembre 1974 au matin pour raison personnelle et sur autorisation de l’ambassadeur Jacques Sénard, le garde Marcel Hervio quitte les Pays-Bas pour se rendre en Bretagne. A peine arrivé, le 14 au matin le commandant de la brigade de gendarmerie de Port Louis (56), l’informe qu’une prise d’otages est en cours à l’ambassade de France à La Haye, et qu’il doit rejoindre l’ambassade de toute urgence. Il prend la route « à toute vitesse,  avec mon Opel Manta double carburateurs ! » pour La Haye et rejoint dans l’après-midi l’ambassade, encerclée par les forces de la police néerlandaise.

Le vendredi 13 septembre 1974 vers 16h45, sachant que les gardes de sécurité de l’ambassade ne sont présents qu’entre 12h00 et 15h00, 18h00 et 08h00, un commando marxiste de trois hommes armés de l’Armée rouge japonaise, pro-palestinienne, investi les locaux de l’ambassade, prenant en otages 9 personnes, dont l’ambassadeur de France, Jacques Sénard, en poste depuis 1972. L’ambassade est en état de siège. L’ambassadeur du Japon au Pays-Bas est arrivé à l’ambassade de France pour participer à la négociation. Il se serait offert en otage à la place de l’ambassadeur de France Jacques Sénard si le commando se proposait de l’emmener avec eux. Une proposition accueillie avec la plus grande réserve par le gouvernement néerlandais.

Le deuxième et troisième étage de l’ambassade sont évacués par les forces de l’ordre. Les gardes Marcel Hervio et Christian Denis, présents à l’ambassade ont revêtu une blouse pour masquer leur uniforme. Ils ont pour mission de contrôler et de surveiller les accès à l’ambassade alors que les terroristes sont retranchés avec les otages au 4ème étage dans le bureau de l’ambassadeur.

Dans la soirée, l’immeuble est plongé dans l’obscurité a l’exception d’une grande baie vitrée au quatrième étage, celle du bureau ou l’ambassadeur et les autres otages attendent le sort qui leur sera réservé. Les membres du commando ont en effet juré d’exécuter leurs otages, un à un, si leurs exigences n’étaient entièrement satisfaites dans le courant de la nuit.

L’ambassade de France, jouit de l’extra-territorialité et les autorités néerlandaises ne peuvent intervenir qu’à la demande expresse du gouvernement français. La police néerlandaise est prévenue par l’ambassade de France, deux voitures de police se rendent devant l’immeuble. Un policier est demeuré devant l’entrée tandis que trois autres y pénètrent. Un secrétaire leur ayant dit que l’ascenseur était bloqué, arrivés au troisième étage par les escaliers, ils sont accueillis par trois coups de feu. L’un des policiers est touché à l’épaule et l’autre à la poitrine. La police néerlandaise avec les services de sécurité français en soirée, préparent à une action éventuelle, depuis l’ambassade des Etats-Unis ou un poste de commandement a été établi. Des tireurs d’élite sont disposés dans les immeubles proches de l’ambassade de France.

La police néerlandaise décide de faire le black-out total sur toutes les informations concernant les décisions qu’elle envisage de prendre au sujet de la remise au commando japonais de leur camarade qui doit arriver de Paris. Cette décision s’explique du fait que le commando dispose de radios et de télévisions portatives et qu’ils peuvent recevoir en direct toutes les émissions relatant l’affaire. « Il y a neuf vies en danger, nous ne voulons pas prendre la responsabilité d’augmenter la menace qui pose sur elles » « La jeune femme policier qui a été blessée par le commando a été opérée, elle est maintenant hors de danger » déclare un porte-parole de la police. Le commando exige l’évacuation des abords de l’ambassade par les caméras de télévision, les projecteurs retirés et que les centaines de curieux soient refoulés par la police.

Un des membres de l’ambassade raconte « J’étais dans mon bureau au quatrième étage quand le commando est arrivé. Le chauffeur de l’ambassadeur se trouvait à ce moment-là dans l’entrée. Deux japonais lui ont braqué un pistolet sur la nuque et lui ont demandé de les conduire au bureau de l’ambassadeur. Ils sont montés par l’escalier et le troisième a pris l’ascenseur. Le chauffeur de l’ambassadeur a malgré tout réussi à leur échapper en se sauvant par une porte dérobée. A ce moment-là je me suis mis à la fenêtre et j’ai vu arriver une voiture de police. J’ai entendu plusieurs coups de feu. J’ai cru qu’il s’agissait de tout autre chose, j’ai pensé à des éclatements de pneus, mais quelques instants plus tard une série de détonations suivies de cris m’oint enlevé les doutes que je pouvais avoir. Je me suis barricadé dans mon bureau avec mes collègues. Presque tout de suite la police nous a téléphoné sur le réseau intérieur de l’ambassade et nous a demandé de bloquer nos portes avec tous les meubles à notre disposition. Nous avons attendu ainsi jusqu’à 18h45. L’attaque avait commencé peu avant 17h00. Nous avons entendu frapper très discrètement à notre porte mais très méfiants nous ne voulions pas ouvrir. C’était des policiers mais nous avons attendu qu’ils glissent leurs cartes officielles sous la porte avant de leur ouvrir. Ils étaient armés revêtus de gilets pare-balles. Ils nous ont demandé de longer les murs du couloir et de gagner un escalier de service. C’est par là que nous nous sommes échappés. »

Plus l’échéance de l’ultimatum «03 h00 du matin puis repoussé à 04h00», approche plus l’anxiété grandit autour de l’ambassade de France, dont l’accès est protégé par des cordons de police installés à plusieurs centaines de mètre de part et d’autre du bâtiment et qui bloquent la Lange-Voorhout, une des principales avenues de La Haye. L’ancien champion olympique de judo, Anton Geesink, de nationalité hollandaise parlant couramment le japonais, est appelé pendant vingt minutes à jouer le rôle de médiateur entre le commando japonais et les autorités néerlandaises. Une intervention qui sera sans effet.

Le commando exige par un message jeté par la fenêtre du quatrième étage de l’ambassade :

  • la libération d’un membre de l’organisation, du nom de Furuya Yakata arrêté par la DST en juillet 1974 à l’aéroport parisien d’Orly, en provenance de Beyrouth, porteur de trois passeports ainsi que 10.000 dollars américains en faux billets dissimulés dans un bagage à double fond, incarcéré à la prison de la santé à Paris.

  • d’être mis en liaison téléphonique directe avec son compatriote. La liaison est établie par l’intermédiaire de l’ambassade des Etats-Unis, voisine de l’ambassade de France

  • le transfert de Paris à l’ambassade de France à La Haye avant trois heures le samedi 14 matin.

  • un autocar devra être mis à leur disposition devant l’ambassade pour les conduire à l’aéroport international de Schiphol – Amsterdam.

  • un Boeing ayant fait le plein devra se tenir prêt avec un pilote et un co-pilote pour partir pour une destination inconnue.

  • le versement d’un million de dollars.

« Une fois arrivés à destination, l’ambassadeur et les autres otages seront relâches sains et saufs. Toute tentative physique a quelque moment que ce soit contre nous sera considéré comme un acte d’agression et nous y répondrons comme il convient. Si a trois heures samedi matin, heure limite, notre camarade Furuya Yakata ne nous a pas rejoints, nous procéderons à intervalle régulier à l’exécution des otages jusqu’à ce que nos exigences soient pleinement satisfaites. Vive la libération de tous les peuples opprimés. Vive la révolution mondiale. Signé l’armée rouge Japonaise. PS nous envoyer d’urgence une doctoresse. »

Le japonais Furuya Yakata qui avait quitté la prison de la santé vers 22h00 arrive à 02h00 du matin à bord d’un avion militaire en provenance de Villacoublay à l’aéroport de Schiphol-Amsterdam entouré de cinq agents des services de sécurité français. En réalité il s’agit de Yoshaki Yamada auteur d’activités criminelles. Après de longues tractations, le 14 septembre, un japonais descend avec un premier otage, les mains en l’air, pistolet dans le dos. Une fois dans le bus le japonais casse toutes les vitres avec la crosse de son arme. Les otages rejoignent le bus un par un. L’ambassadeur rejoint le véhicule sans lever les mains. Une fois l’embarquement terminé, le commando prend la direction de l’aéroport de Schiphol-Amsterdam. Les otages sont libérés, le commando s’envole, dans un premier temps au Yémen du Sud, puis à Damas où les Syriens les remettront au front populaire de libération de la Palestine.

Pour les gardes Marcel Hervio et Christian Denis, c’est le dénouement d’un événement marquant qui a laissé des traces dans les mémoires. La prise d’otage sera revendiquée en 1979 par Illich Ramirez Sanchez dit « Carlos », instigateur de plusieurs attentats. Condamné à la réclusion criminelle à perpétuité par la justice française.

Après les États-Unis et la Chine, la France possède le troisième plus important réseau diplomatique au monde, avec notamment 182 ambassades et 89 consulats et consulats généraux. Pour mieux contrer les diverses menaces qui prennent naissance hors de ses frontières comme le terrorisme, et faire face à la vulnérabilité des représentations diplomatiques, la France sur recommandations d’experts, notamment des membres du Groupe d’intervention de la gendarmerie nationale (GIGN), a mise en place une organisation de sécurité. Des gardes de sécurité diplomatique (GSD) ou des chefs de sécurité opérationnels (CSO), renforcés par des techniciens d’escorte d’autorité et de sécurisation de site (TEASS) pour les escortes diplomatiques, assurent une permanence, de jour comme de nuit la garde de l’ambassade et la sécurité de l’ambassadeur.

Source information (AFP) – Marcel Hervio (retraité Gie)

Photo : Marcel Hervio (1967 Exposition universelle à Montréal – Garde républicaine carrousel des lances) – (Porte drapeau UNPRG UD 56)

    

Jean, François Stephan

President UNPRG UD 56


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