Avis de tempête pour les forces de police.
Une nouvelle fois les forces de police sont au centre d’une polémique intense dans notre pays. La gendarmerie est dans le tourbillon bien malgré elle et les questions se posent : que penser, que faire en pareille situation ?
Plusieurs faits sont entrés en résonance et font que la situation est devenue complexe.
En France, la remise en question des forces de police trouve son origine dans les excès de violence commis à différents moments durant les dernières années, notamment lors de l’épisode des gilets jaunes.
La gendarmerie pour sa part est mise cause avec l’affaire Adama Traoré et ses multiples rebondissements notamment en expertises et contre expertises.
Enfin pour emballer le tout, le meurtre par un policier de Minneapolis de l’afro-américain Georges Floyd et son retentissement mondial. Meurtre qui fait suite à une longue liste de violences policières aux États-Unis qui de surcroît sont pour la plupart impunies.
Que penser de tout cela. En premier lieu, un soutien à l’ensemble des corps qui exercent au quotidien un métier très difficile avec un esprit républicain. De l’interrogation sur l’objectif des manifestations et sur les commentaires qui sont émis dans ce contexte. Enfin de l’attente sur les mesures à prendre.
La volonté de faire un parallèle avec la situation aux Etats-Unis est évidente même si les conditions ne sont pas les mêmes. La famille d’Adama Traoré et ses soutiens de tous ordres s’y emploient activement dans le dessein de faire pression mais aussi de raviver les tensions. La presse expose les faits mais reste mesurée dans ses commentaires et fait souvent appel à des personnalités connaissant la réalité de la police pour comprendre les raisons des problèmes. Les responsables politiques s’emploient à calmer le jeu. En effet l’équation est complexe. Il faut traiter les dérives sans pour autant démoraliser ou affaiblir les forces de police dont le gouvernement a plus que jamais besoin pour maintenir l’ordre public et contenir la délinquance.
La grande majorité des français n’a qu’une idée très parcellaire de ce qu’est la réalité du système policier et de l’exercice du métier. Ils jugent la police en général principalement comme un outil répressif au regard de leurs transgressions personnelles mais ne mesurent pas son rôle majeur dans la paix publique. Ils n’ont aucune idée de ce que peut être la difficulté d’exercer dans les zones à forte délinquance. Je suis certain que nombre de pourfendeurs ou de donneurs de leçons d’aujourd’hui mis dans la situation d’un policier ou d’un gendarme en zone sensible basculeraient encore plus rapidement vers le racisme et les excès face au flot de criminalité, de violences, de menaces et d’insultes qu’ils subiraient. Assurément peu de gens savent ce qu’exige le maintien de l’état de droit.
Pour autant le basculement dans le racisme et ses accompagnements, c’est acter l’échec de la mission confiée. C’est entrer dans le cercle infernal répression provocation. Dès lors la machine de l’intégration se grippe et les communautarismes émergent. Face à ce problème je pense qu’il y a une différence notoire entre la police et la gendarmerie nationale.
Le policer de terrain est le plus souvent seul face à l’adversité alors que le gendarme est encadré, soutenu et intégré dans le corps. Il n’y a pas, comme pour le policier, cette rupture entre le temps professionnel et le temps personnel, c’est la force de la vie en caserne. Le policier est seul au point de faire plus confiance à son syndicat et ses délégués qu’à sa hiérarchie. Seul parce que l’observation des premières entorses à la déontologie ne sont pas suivies de sanctions immédiates. S’il y a une réforme à conduire dans la police nationale c’est bien celle de son management et de son commandement. C’est une nécessité depuis de nombreuses années mais aucun gouvernement n’a pu ou voulu s’y attaquer avec détermination. Qui a intérêt à maintenir cela en l’état ?
Le découragement du policier et du gendarme vient aussi du sentiment d’impuissance de la justice à traiter le flot de délinquance. Le bateau de la République prend l’eau et les forces de l’ordre écopent tant bien que mal. Malgré cela la population carcérale est forte. Est-ce le fait qu’il y a trop de personnes incarcérées, pas assez de prisons ou trop de délinquants ? Ceci pour dire que le problème actuel ne se réduit pas exclusivement à celui de la police. C’est toute la chaîne pénale qui doit être examinée tout comme doit l’être la politique de la ville comme facteur de réduction de la délinquance.
Nous sommes dans le temps de l’effervescence et nos voix seront peu entendues. Les voix du gouvernement et du président de la République sont essentielles tant sur les plans philosophiques, éthiques et constitutionnels que dans les modalités de la transformation et du soutien aux différents corps des forces de l’ordre. Néanmoins, nous sommes dans l’incompréhension quant aux déclarations du Ministre de l’intérieur qui au lieu d’apporter son appui aux forces de l’ordre, apporte des gages à une opinion qui se forge des jugements à l’emporte-pièce et qui peuvent dénaturer les institutions. Des mesures concrètes pour remédier aux problèmes constatées doivent être prises en ayant en perspective ce risque.
La voix du directeur général de la gendarmerie nationale est essentielle. Elle apporte un soutien réel aux personnels et rappelle la force de l’unité du corps. Elle rappelle aussi l’exigence de l’exemplarité dans l’accomplissement de la mission. Ce message doit être repris par chacun des cadres de la gendarmerie.
Oui au respect absolu de la déontologie mais force doit rester à la loi, la République l’exige. Quant à la gendarmerie, qu’elle fasse bloc et continue d’assurer ses missions comme elle l’a toujours fait, avec humanité, honneur mais rigueur, selon une formule qui a plus que jamais du sens, une force humaine.
Henri Martinez
Président national
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