Seconde guerre mondiale 1939-1945 La difficile reconnaissance posthume du statut d’interné résistant quand l’arrestation est suivie d’une exécution sur-le-champ – UD 47
Cas du gendarme résistant Etienne Bétaille, exécuté par les japonais le 9 mars 1945 en Cochinchine.
Historique
Le gendarme Etienne Bétaille, sous-officier du détachement de la gendarmerie en Indochine, âgé de 42 ans et père de trois enfants, était en poste en Cochinchine au début de l’année 1945, dans le delta du Mékong, au sud de Saïgon, Il avait pour mission de garder l’installation des Docks de la Compagnie Franco-Asiatique des pétroles, sous le contrôle de l’armée impériale japonaise qui, dans le cadre conventionnel d’une « occupation douce » avait envahi tout le territoire de l’Union française
Indochinoise.
Dès le mois d’octobre 1942, Etienne Bétaille est entré dans le réseau de la résistance organisé par Léopold Giraud et André Lan, réseau qui regroupe environ 180 personnes sous le statut des volontaires des Forces Françaises Combattantes dont les devoirs et obligations étaient définis par le décret n°366 du 25 juillet 1942 signé à Londres par le général De Gaulle.
Etienne Bétaille était entré dans ce réseau dans la catégorie d’Agent P 1, c’est à dire de membre ayant une activité continue sous couvert d’une occupation personnelle dont il continuait à retirer un profit matériel. En fait, ses fonctions de gendarme masquaient son activité de résistant au sein du réseau Giraud/Lan, activité qui consistait pour partie à fournir des renseignements et pour autre partie à rechercher, cacher et exfiltrer les aviateurs alliés dont les avions s’étaient écrasés dans la brousse et cela, peut-on dire, au nez et à la barbe de l’occupant nippon.
En Cochinchine, et précisément dans la province du Gia Dinh, les Japonais qui subissaient des attaques aériennes des anglais et des américains ne comprenaient pas pourquoi les aviateurs ennemis, leurs appareils abattus, disparaissaient dans la jungle sans laisser de trace. Ou plutôt, ils devinaient que des agents anglo-gaullistes parvenaient à les récupérer avant qu’eux-mêmes puissent les découvrir. Etienne Bétaille était soupçonné d’être l’un de ces agents de la résistance. Sa capture fut donc décidée.
La circulaire du 27 juillet 1942 pour l’application du décret du 25 juillet 1942 portant statut des personnels des Forces Françaises Combattantes avait prévu le cas où un agent P1 était arrêté (arrêté et/ou déporté). Celui-ci, basculait d’office dans la catégorie d’agent P2 et recevait automatiquement le grade (fictif) de sous-lieutenant. (À titre posthume si l’arrestation était suivie d’une exécution).
C’est exactement ce qui s’est produit. Le 9 mars 1945, lors du « coup de force japonais » dans toute l’Indochine française, un peloton de gendarmes nippons se présente à Nhà Bè où se trouve l’installation des docks de la Compagnie franco-asiatique des pétroles gardés par le gendarme Etienne Bétaille. Il vienne l’arrêter et le « neutraliser » en cas de difficultés.
L’arrestation du gendarme Bétaille ne devait prendre qu’une poignée de secondes. Une rafale de mitraillette tirée par un soldat nippon venait de mettre fin à une existence entièrement dévouée à l’armée et à la gendarmerie française en Extrême Orient.
Des mois plus tard, après la capitulation du Japon (le 2 septembre 1945), le corps du gendarme Bétaille est retrouvé et ré-inhumé avec les honneurs militaires, en présence du général
britannique Douglas Gracey, de la veuve du résistant défunt et de ses trois enfants, dans le cimetière français de Saïgon, rue de Massiges.
En octobre 1946, le sous-lieutenant Bétaille des Forces Françaises Combattantes, est décoré à titre posthume, de la croix de chevalier de la Légion d’Honneur et de la Croix de guerre 1939-1945, avec palme. En 1947, il reçoit la médaille de la Résistance française et la mention « mort pour la France ». Enfin, suprême hommage national, le nom d’Etienne Bétaille est donné à la 286e promotion de l’Ecole des Sous-Officiers de Gendarmerie de Chatellerault (17/02/1998-14/02/1999) et un insigne spécial est créé à cette occasion.
“Des années plus tard, un arrêt de la Cour administrative d’appel de Bordeaux rendu le 16 décembre 2022, devait reconnaître au gendarme Etienne Bétaille la qualité d’interné résistant (article L. 274 du Code des pensions militaires d’invalidité et des victimes de guerre).”
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(Cet article a été rédigé d’après les informations recueillies auprès de Monsieur François Cartigny, historien-juriste de la seconde guerre mondiale, avocat à la retraite demeurant à Escassefort (47)
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