Réservistes de la gendarmerie : « Nos centres tournent à plein »
30 000 réservistes de la gendarmerie à 70% Issus du monde civil encadrés par retraités qui connaissent parfaitement le métier.
Tous ont en commun la volonté de servir.
Réservistes de la gendarmerie : « Nos centres tournent à plein »
Selon le général Olivier Kim, commandant des réserves de la gendarmerie, la volonté de s’engager reste toujours aussi importante en France depuis les attentats.
Par Julien Damon
À la suite de la suspension du service militaire, il fallait innover pour maintenir les liens entre armée et nation. En 1999, une loi redessine les réserves militaires, avec réserve opérationnelle et réserve citoyenne de défense et de sécurité. Le général Olivier Kim, qui a servi notamment au GIGN et en Afghanistan, commande aujourd’hui les réserves de la gendarmerie. Un regard sur ces outils que la France se donne pour permettre aux Français volontaires de concourir à l’intérêt général, à la sécurité et à la défense du pays.
Le Point : Pourquoi encore organiser aujourd’hui une réserve ?
Général Olivier Kim : Autrefois, la réserve était massive, liée à la conscription. Il y a 20 ans, le législateur a voulu organiser une réserve, plus réduite, mais mieux entraînée et mieux employée. Elle constitue aujourd’hui une force complémentaire et indispensable à l’heure d’une menace à la fois permanente et diffuse. Afin de répondre aux attentats tragiques vécus par notre pays mais aussi à toutes les demandes d’engagement qui ont suivi, la garde nationale a été créée en 2016. Faite de dix composantes, elle rassemble les réserves des deux ministères de la Défense et de l’Intérieur.
À quoi la réserve sert-elle ?
Pour la gendarmerie, les réserves, car elles sont plurielles, augmentent les compétences et démultiplient le maillage territorial. Si on fait une toile reliant tous les points de présence de la gendarmerie sur une carte de France, la réserve rajoute 30 000 fils supplémentaires. La réserve exerce des missions identiques à celles des forces actives, sauf en ce qui concerne le maintien de l’ordre. Elle permet une montée en puissance réactive. Avec sa dimension très locale, elle autorise un renseignement plus efficace et contribue à la détection des signaux faibles de radicalisation. C’est une réserve de proximité, car le réserviste est employé près de chez lui.
C’est aussi une réserve pour partie projetable. On a, par exemple, envoyé des réservistes sur des événements majeurs comme le G7 à Biarritz ou les suites de l’ouragan Irma. À cette occasion, 150 gendarmes de réserve ont été mobilisés pendant plusieurs mois. Ce qui était formidable, c’est qu’ils effectuaient leurs missions traditionnelles, la sécurité publique, etc. Mais, quand ils avaient terminé, ils donnaient aussi un coup de main à partir de leurs compétences civiles.
Charlie Hebdo, le Bataclan, Nice nous ont confrontés à de graves réalités.
Pourquoi les réservistes se mobilisent-ils ?
Charlie Hebdo, le Bataclan, Nice nous ont confrontés à de graves réalités et ont généré une prise de conscience. Des gens, nombreux, se sont déclarés volontaires. On a vu des pics d’activité sur nos sites internet et notre recrutement s’envoler. Depuis les attentats, la limite d’âge pour intégrer les réserves a d’ailleurs augmenté de 30 à 40 ans. La volonté de s’engager ne faiblit pas et nos centres de formation tournent à plein.
Qui sont ces réservistes ?
Nos 30 000 réservistes opérationnels sont à 70 % issus de la société civile. C’est un bon dosage avec du sang neuf. Ils sont encadrés par des retraités de la gendarmerie, qui, par essence, connaissent bien le métier. Cela provoque une belle alchimie. Il faut aussi ajouter 37 000 membres du personnel qui appartiennent à la réserve dite de disponibilité, rappelables jusqu’à cinq ans après leur départ. Quant aux profils des réservistes, ils sont extrêmement diversifiés. Quand j’étais à la tête de la région de gendarmerie Bourgogne-Franche-Comté et que je présidais les cérémonies de sorties des préparations militaires gendarmerie, j’avais en face de moi un extraordinaire panel de la société française. J’avais aussi des mères de famille. Tous ces profils ont en commun la volonté de servir. Les réservistes arrivent, ce qui est admirable, à concilier leur vie professionnelle, leur vie familiale et leur souhait de s’engager, en plus, au service de la défense et de la sécurité de notre beau pays.
Alexandre Benalla n’a jamais appartenu à la réserve citoyenne.
À quoi la réserve citoyenne, dans laquelle exerçait Alexandre Benalla, est-elle vraiment utile ?
Tout d’abord, Alexandre Benalla n’a jamais appartenu à la réserve citoyenne. Il appartenait à la réserve opérationnelle et, comme des enquêtes sont en cours, je ne ferai pas d’autres commentaires. Cette parenthèse fermée, la réserve citoyenne de défense et de sécurité, créée il y a exactement 20 ans, est bien une réserve militaire, avec des volontaires bénévoles. Toutes les armées en disposent. Son objectif est d’entretenir l’esprit de défense et de renforcer le lien entre la nation et son armée. Dans la gendarmerie, nous l’employons pour nous appuyer dans nos réflexions prospectives et nous mettre en question. Les réservistes citoyens nous tendent un miroir qui met en exergue des pistes de progrès. Ils sont mis à contribution, en fonction de leurs compétences et de leur appétit d’engagement, pour nous apporter des expertises dont nous ne disposons pas. Ils nous apportent, pour parler comme les Anglo-Saxons, un regard out of the box.
On parle beaucoup de ce lien armée-nation, mais que veut-on vraiment dire par là ?
C’est un ciment de cohésion de notre pays. Il s’agit, du côté des réserves, d’une implication en faveur de la nation afin de la rendre plus solide, plus résiliente. Pour résister plus efficacement à des agressions ou à des catastrophes majeures et pour souder les forces armées avec le reste du pays. Le renforcement de ce lien, c’est soutenir individuellement le pays et montrer collectivement sa capacité à se relever en soulignant notamment qu’il est bien plus fort que ceux qui l’ont attaqué par des actes odieux. Les réservistes y contribuent fortement, entretenant l’esprit de défense et de sécurité dans leurs familles, leurs universités, leurs entreprises.
Le service national universel (SNU) qui se met en place a été créé en ce sens. Quel regard portez-vous sur ce nouveau service ?
Le service national universel voulu par le président de la République s’inscrit en effet pleinement dans cette logique d’engagement individuel, de cohésion nationale et de ciment républicain. Il monte aujourd’hui en puissance, avec des possibilités de brassage social et de belles rencontres. Celles-ci seront certainement des occasions pour que des jeunes donnent ensuite du sens à leur vie, qui dans des missions humanitaires, qui chez nos camarades militaires, pompiers ou policiers, qui dans la gendarmerie.
À quels autres services publics conseilleriez-vous d’organiser leur réserve ?
Je n’ai pas vraiment de conseils à donner. Je note que la logique et l’ambition des réserves se retrouvent maintenant dans nombre d’autres secteurs, du sanitaire à la sécurité civile, en passant par l’administration pénitentiaire ou l’éducation. La gendarmerie est fière de compter 30 000 réservistes qui sont une mine d’or de compétences individuelles et de volontés de servir. La réserve, en un mot, c’est bien une mine d’or. Avec un tas de pépites qu’il nous convient de valoriser dans l’intérêt premier de nos concitoyens que nous devons protéger.