Hommage au gendarme Rogatien Guillemoto mort en déportation

 

Le vendredi 28 mai 2021 à 11 heures, cinq élèves-gendarmes de l’école des sous-officiers de gendarmerie de Châteaulin (29), accompagnés d’un gradé, se sont déplacés à Martigné-Ferchaud (35) pour rendre hommage au parrain de leur promotion, le gendarme Rogatien Guillemoto, mort en déportation en 1945.

La cérémonie s’est déroulée en deux temps dans un format très restreint. Tout d’abord devant l’ancienne caserne, rue des Résistants, où une gerbe de fleurs a été déposée au pied de la plaque commémorative portant l’inscription des trois gendarmes de Martigné-Ferchaud morts en déportation. Ensuite, les élèves-gendarmes et les invités ont rejoint la place du Souvenir où sont implantés le monument aux morts communal et la stèle du réseau de résistance Oscar Buckmaster.

Sur cette stèle surmontée d’une croix de Lorraine, symbole de la France libre, sont gravés les noms de cinquante-huit martyrs de la Résistance morts en déportation dans les camps de concentration nazis. Un élève-gendarme y dépose une nouvelle gerbe de fleurs.

Le gendarme Guillemoto, 38 ans, de la brigade territoriale de Martigné-Ferchaud a été arrêté, dans la soirée du 8 octobre 1943, avec trois de ses camarades : le maréchal des logis-chef Jean-Baptiste Planchais et les gendarmes Victor Piette et Louis Martin.

Il est nécessaire de remonter le temps de quelques décennies pour comprendre ce qui c’est réellement passé à Martigné-Ferchaud au cours du dernier trimestre de l’année 1943.

Dans la soirée du vendredi 8 octobre 1943, deux agents français au service de la Sipo-SD de Rennes, communément appelée Gestapo, arrêtent un réfugié brestois, réfractaire au service du travail obligatoire (STO), soupçonné de « menées terroristes » et le conduisent à la brigade de gendarmerie. Après un bref interrogatoire, ces deux agents ordonnent au commandant de brigade, Jean-Baptiste Planchais, d’enfermer leur prisonnier dans la chambre de sûreté. Ce gradé, de concert avec les gendarmes Piette, Martin et Guillemoto présents au bureau, s’y oppose formellement en répliquant qu’il n’avait d’ordre à recevoir que de ses chefs directs. L’un des deux gestapistes insiste et demande à téléphoner à Rennes pour obtenir des instructions de leur employeur. Le chef Planchais refuse énergiquement arguant qu’il n’avait pas de mandat en bonne et due forme à l’encontre de ce réfugié. Furieux, les deux sbires deviennent menaçants et promettent d’établir un rapport contre lui. Mais rien n’y fait. Ils quittent les lieux et ramènent leur prisonnier à son domicile avec interdiction de sortir avant leur retour. Ce réfractaire et résistant prévient sa jeune épouse et lui demande de brûler ses faux papiers d’identité puis déguerpit quitte hâtivement son foyer.

Vers 22 heures, après avoir dîné, les deux agents de la Gestapo, voulant reprendre leur proie, découvrent que celle-ci s’est envolée dans une direction inconnue. Ils alertent aussitôt le siège de la Sipo-SD à Rennes qui envoie des renforts.

Depuis la ville voisine de Châteaubriant (44), des soldats allemands sont dépêchés sur place. Ils entreprennent aussitôt des recherches au domicile du fugitif et dans les lieux environnants, mais celui-ci reste introuvable, absorbé par un épais brouillard qui recouvre la région à cette époque de l’année. Aux environs de 23 heures 30, les soldats cernent le quartier où se trouve la brigade. Deux officiers SS de la Sipo-SD de Rennes, accompagnés des deux agents français, frappent aux portes des appartements des quatre gendarmes intimant à tout le monde de descendre au rez-de-chaussée. Le maréchal des logis-chef Jean-Baptiste Planchais et les gendarmes Rogatien Guillemoto, Victor Piette et Louis Martin s’exécutent suivis de leur famille. Ils s’attendaient à cette riposte de la Gestapo et n’avaient pas d’autre issue que d’attendre les évènements. Les quatre militaires sont immédiatement désarmés et enchaînés les mains dans le dos puis dirigés vers un camion stationné à proximité. Les deux autres gendarmes de la brigade demeurant à l’extérieur ne sont pas inquiétés.
La police allemande, déjà bien informée, investit plusieurs domiciles dans les environs de la brigade et arrête six autres personnes. Elle recherche activement le chef de groupe du secteur de Martigné-Ferchaud, une des branches du réseau Oscar Buckmaster, couvert par les gendarmes de la brigade locale. Une perquisition est entreprise dans les bureaux de la mairie et le maire est interrogé par un officier SS.

Toutes les personnes arrêtées, dont les quatre gendarmes, sont internées à la prison Jacques-Cartier à Rennes. Quinze autres membres du réseau martignolais sont arrêtés et incarcérés les semaines suivantes. L’arrestation des quatre gendarmes créée la consternation parmi la population martignolaise.

Martigné-Ferchaud vient de subir le premier choc qui va ébranler puis anéantir ce réseau britannique de la section française du Special Operations Executive (SOE).

Le 9 mai 1944, le maréchal des logis-chef Jean-Baptiste Planchais et les gendarmes Victor Piette, Louis Martin et Rogatien Guillemoto sont transférés de la prison de Rennes au camp de transit de Royallieu à Compiègne (Oise) avant d’être dirigés vers le camp de concentration de Neuengamme. Jean-Baptiste Planchais y décède le 27 novembre 1944 et le gendarme Victor Piette expire le 3 janvier 1945 au camp annexe de Fallerslesben-Laagberg.

Le gendarme Rogatien Guillemoto, affecté dans ce même kommando de travail, est déplacé le 7 avril 1945 vers le camp de Wöbbelin après un terrible exode de six jours dans des wagons à bestiaux. Libérés le 2 mai 1945 par la 82e division parachutiste américaine, les rescapés sont acheminés à Ludwigslust dans une caserne SS transformée en hôpital de campagne. Epuisé par les mauvais traitements et la maladie, Rogatien Guillemoto s’éteint le 31 mai 1945 à la clinique de Schwerin, ville située à l’est de Hambourg. Sa dépouille repose actuellement dans la nécropole nationale à Montauville (Meurthe-et-Moselle), tombe n° 278, carré 39/45-E.

Le gendarme Rogatien Guillemoto sera décoré à titre posthume de la Légion d’honneur, de la médaille militaire, de la médaille de la Résistance française et de la Croix de guerre 39-45.

Malgré son état de santé déplorable, seul le gendarme Louis Martin rentre à Martigné-Ferchaud le 25 mai 1945. Sa volonté de survivre lui permet de reprendre son activité à la brigade de Martigné-Ferchaud.

A l’issue de la cérémonie, les élèves-gendarmes ont pu s’entretenir avec les invités dont Jacques Guillemoto, petit-fils de leur parrain. Ils auraient souhaité la présence de tous leurs camarades de la 107e promotion mais les règles sanitaires ne le permettaient pas.

 

Signé  Daniel Jolys, adhérent UNPRG Ille-et-Vilaine

Crédit photos

La carte professionnelle du gendarme Rogatien Guillemoto

Les participants à la cérémonie du 28 mai 2021 avec, à gauche, Daniel Jolys

 


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