Chien d’assistance judiciaire au groupement de gendarmerie départementale du Morbihan – UD 56

Nom « Rumba » – Profession : chien d’assistance judiciaire au groupement de gendarmerie départementale du Morbihan

Depuis le 29 septembre 2022, l’adjudante Muriel Gallard du groupement de gendarmerie du Morbihan, enquêtrice spécialisée de la cellule dédiée aux victimes de violences intrafamiliales et/ou d’atteintes aux mineurs et son chien d’assistance judiciaire Golden retrievers « Rumba », facilitent le recueil de la parole des victimes et témoins lors des auditions.

Des auditions de mineurs, qui nécessitent une attention toute particulière au regard des recommandations en matière de procédure pénale, mais également de prise en compte de la vulnérabilité des victimes. Un partenaire qui apaise et qui montre au quotidien ses apports auprès des victimes.

Entretien.

Quel est la mission de la cellule de protection des familles de la compagnie de Vannes et sa composition ?

La mission consiste à prendre en charge les personnes victimes de violences intra familiales ou les mineurs pour des violences à caractère sexuel. Elle a été créée le 3 février 2020, suite à l’augmentation nationale des violences faites aux femmes

Elle est composée de cinq sous-officiers de gendarmerie, affectés dans des unités de la compagnie et détachés à la cellule dédiée aux victimes de violences intrafamiliales et/ou d’atteintes aux mineurs

Qu’est-ce qu’un chien d’assistance judiciaire (C.A.J.) ?

C’est un chien qui a été spécifiquement formé pour être présent aux côtés des victimes lors des auditions, soit lors de la phase d’enquête ou du procès pénal. Il possède une qualification professionnelle et joue un rôle essentiel d’acteur aux côtés de l’enquêteur.

Comment est sélectionné un (CAJ) ?

Par chien d’assistance judiciaire, il faut bien comprendre qu’avant tout il s’agit d’un « handi-chien ». « Rumba » est une chienne appartenant à l’association Handi’Chiens, qui éduque et remet des chiens d’assistance à des personnes en situation de handicap et/ou de vulnérabilité. Le chien est sélectionné dès son plus jeune âge, testé par des éducateurs canins. En fonction de son profil, le chien est engagé pendant 18 mois dans un cursus de formation au sein d’une famille d’accueil pour le sensibiliser aux sensations relationnelles. A partir de 18 mois jusqu’à deux ans, le chien revient au centre Handi’Chiens, pour une nouvelle prise en charge par les éducateurs canins, pour parfaire le profil que l’on souhaite lui donner. Les chiens d’assistance aident aussi bien les personnes atteintes d’un handicap moteur que celles atteintes de handicap mental, psychique ou même sensoriel.

Le C.A.J. est-il opérationnel 7 jours sur 7 ?

Je dirai oui et non !

Dans le principe, le chien peut être engagé dans toutes les missions de l’enquêteur au quotidien. Comme un humain, le chien doit avoir des temps importants de repos et de détente. Quand le chien assiste l’enquêteur pendant une audition d’une ou deux heures, voire plus, il faut que le chien puisse avoir un temps de récupération. Il doit pouvoir se déplacer pour se dégourdir les pattes, sentir des odeurs et se reposer comme le ferait un humain. Si l’on enchaine les auditions, au bout d’un moment le chien n’est plus efficace. Il y a des jours ou le chien travaille et d’autres ou il est au repos. Le chien d’assistance judiciaire vit 24/24 heures au rythme de travail de l’enquêteur. Il ne peut pas être présent à toutes les auditions. En 2022 la cellule de protection des familles a auditionné 443 enfants !

Quelle est la durée d’emploi d’un CAJ ?

Le chien est formé pendant deux ans. Dès qu’il est opérationnel, il faut compter 8 à 9 ans d’activités pouvant aller jusqu’à 11 ans

En qualité de gendarme avez-vous reçu une formation particulière pour la mise en relation avec le C.A.J. ?

J’ai reçu une formation d’une semaine en présentiel auprès de l’association Handi’Chiens à Kunheim (68) qui a supporté la formation pour un coût de 17.500 €. A l’issue de la formation le chien est mis à la disposition de la gendarmerie par l’intermédiaire de l’enquêteur à qui est confié le chien. L’association restant propriétaire du chien. La formation consiste à apprendre à conduire un chien d’assistance judiciaire. « Rumba » possède 50 commandes : c’est un chien d’accompagnement social pour : une personne en fauteuil roulant, capable d’allumer la lumière, de ramasser une télécommande, d’apporter sa gamelle, d’aboyer sur commande quand la personne fait une crise d’épilepsie. C’est également un chien d’éveil auprès des personnes atteintes de troubles autistiques, trisomiques ou polyhandicapés. Il possède également une commande d’assistance judiciaire, dite « Cool » qui consiste à demander au chien de se poser au plus près de la victime. « J’ai appris toutes ces commandes, même si je ne les utilise pas toutes au quotidien. »

Quels liens physiques y-a-t-il entre la victime et le chien durant les auditions ?

Le principe du chien d’assistance judiciaire est de permettre à l’enquêteur d’établir un contact avec l’enfant. La plus grande difficulté c’est de recueillir la parole de l’enfant. Lorsqu’il arrive devant les gendarmes, l’enfant ne connaît ni les gendarmes, ni les lieux et il va devoir parler de la chose la plus horrible qui lui est arrivée. L’enquêteur a 10 minutes pour gagner sa confiance, ce qui n’est pas facile voir difficile. Le fait que le chien soit présent, permet de faire diminuer le stress de l’enfant, et à l’enquêteur d’engager la conversation autour du chien pour se diriger progressivement vers l’audition. Ce qui est un gain de temps considérable pour mener l’audition à son terme. Le principe consiste à ce que l’enfant puisse interagir avec le chien pendant l’audition, l’embrasser, lui parler…. L’enquêteur demande à son chien de venir au contact de l’enfant, éventuellement s’asseoir à ses côtés, mettre sa tête sur ses genoux, de façon qu’il puisse caresser le chien. Le fait que le chien soit au contact de l’enfant, le rythme cardiaque de l’enfant va se caler sur celui du chien, faire baisser la pression artérielle, le stress et libérer la parole. Il arrive que l’enfant soit laissé seul sous surveillance pendant 5 minutes avec le chien, l’occasion pour l’enfant d’échanger avec le chien, voire de rassurer le chien de l’absence de l’enquêteur alors que le chien est là pour rassurer l’enfant.

Avez-vous recueilli des témoignages de victimes, d’avocats, de juges

Après un 9 mois d’expérience, je viens de fournir un rapport à la direction générale de la gendarmerie. J’ai conduit 122 auditions dont 84 enfants en présence de « Rumba ». Parmi les enfants j’avais des victimes, des témoins et des mis en cause. « Rumba » a participé à 10 auditions de personnes mises en cause, des personnes placées en garde à vue en présence des avocats. Toutes les personnes concernées sont unanimes pour dire que la présence du chien est bénéfique, quelle que soit la personne que le chien accompagne. Les avocats rencontrés sont favorables et le parquet de Vannes est convaincu sur les bienfaits libérateurs de la parole. J’ai conduit souvent des auditions avec « Rumba » à la demande des personnes concernées.

Quel bilan pouvez-vous tirer à l’issue de chaque intervention du C.A.J. ?

Le bilan est la facilité de prise de contact avec l’enfant et indéniablement la diminution de son niveau de stress en présence du chien. Par exemple, dès leur plus jeune âge certains parents disent à leurs enfants « si tu n’es pas sage j’appelle les gendarmes », il faut donc faire disparaître cette peur du gendarme avant l’audition. Pour faciliter la mise en confiance des enfants, nous avons fait le choix de les auditionner en tenue civile, procédure validée par le commandant de la compagnie de l’époque.

Hormis l’expérience menée à Vannes, existe-t-il d’autres dispositifs de C.A.J. en France ? 

Des chiens d’assistance judiciaire actuellement en France il y en a 13, dont 2 en gendarmerie ; « Rumba » est la première depuis novembre 2022, en gendarmerie. Il y a d’autres projets au niveau national en gendarmerie. La mise en place du chien d’assistance impose des contraintes, en particulier que l’enquêteur accepte la garde du chien 24/24, qu’il soit affecté dans une cellule dédiée aux victimes de violences intrafamiliales et/ou d’atteintes aux mineurs et qu’il puisse disposer des moyens financiers pour assurer l’alimentation, l’entretien et la santé du chien.

Quels sont vos partenaires hors de la gendarmerie ?

Les partenaires qui soutiennent cette action hors de la gendarmerie et qui ont financé la formation : La préfecture du Morbihan, l’association la voix de l’enfant, l’association Handi’chiens, France victimes 56, l’association Alexis Danan de Bretagne, Diana pet food à Elven (56) pour l’alimentation, le centre hospitalier Atlantique de Vannes (56) pour les frais vétérinaires.

Grâce à la mobilisation de nombreux acteurs, grâce aux résultats probants de l’expérimentation, le modèle du chien d’assistance judiciaire mérite d’être étudié plus largement : afin de toujours rechercher l’amélioration d’une meilleure prise en charge des victimes.

Propos recueillis par Jean-François Stephan – Président unprg ud 56

Union Nationale des Personnels et Retraités de la gendarmerie tient à remercier très chaleureusement l’Adjudante Muriel Gallard pour cet entretien.

 

                      

 


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