De l’attractivité du métier de gendarme

De l’attractivité du métier de gendarme

Dans une note thématique de juillet 2023, la Cour des Comptes fait le bilan de la situation des moyens consacrés à la sécurité intérieur, notamment ceux de la gendarmerie. Son constat est pour le moins contrasté quant à leur efficience. Citons la : « La multiplication des mesures catégorielles et des primes résultant des récents protocoles  est coûteuse et peu efficace au regard des objectifs de recrutement et de fidélisation ».

Il ressort de cette étude que la gendarmerie, comme la police, subi une hémorragie inquiétante de ses effectifs sans  pouvoir la compenser par un recrutement adapté aux besoins à venir. En 2021, la gendarmerie a connu 15078 départs, la différence entre les arrivées et les départs en 2022 sera négative de 3000 emplois. D’autres chiffres : La gendarmerie doit recruter 1995 personnels entre 2023 et 2024; un plan de recrutement de près de 4000 gendarmes est prévu par la loi de programmation du ministère de l’Intérieur  (LOPMI 2022-2027). On constate aussi une augmentation  des départs,  hors retraite,  de 25%  en quatre ans. Et puis des promotions d’élèves gendarmes  voient des démissions  de plus en plus nombreuses, soit 2283 en 2022. Lorsqu’ils découvrent les contraintes particulières de l’engagement en gendarmerie, les élèves-gendarmes prennent conscience qu’il ne s’agit pas d’un « métier » comme les autres.

Le bilan actuel montre donc une désaffection, voire un déclin de l’intérêt lié au métier de gendarme. Cette situation, comme le note la Cour des Comptes « doit conduire à mettre en œuvre des réformes structurelles en matière de ressources humaines », mais aussi à s’interroger sur  les raisons du déclin des vocations pour les métiers de la sécurité et des armes pour la gendarmerie. Les raisons de départs des officiers (souvent à haut potentiel)  comme des sous-officiers sont multiples mais  souvent liées à une plus grande attractivité des autres administrations ou entreprises au plan salarial et des perspectives de carrière. On voit ainsi que, malgré les évolutions  fortes des  grilles indiciaires et des conditions d’avancement, le compte n’y est pas, pour certains, en rapport aux exigences du métier.  S’agissant des exigences, on constate, par exemple, beaucoup de départs pour des postes de police municipale (80% d’anciens  policiers et gendarmes à Nice).

Si ces départs anticipés de personnels de carrière doivent interpeler, il en est aussi de la désaffection des candidats  à l’entrée en gendarmerie. Les raisons sont sans doute d’ordre sociétal. Notre société a beaucoup changé  en matière d’engagement, notamment pour des métiers comme le notre. La suspension du service national  à, pour beaucoup, couper le lien avec ce qui fait Nation, c’est-à-dire servir le Pays. Qui a des petits enfants peut témoigner de leur ignorance en matière de service public. Notre société ne prône plus le don de soi mais plutôt le repli sur soi. Et puis, devant la montée exponentielle de la violence à laquelle les forces de sécurité sont confrontées, la mise en cause permanente de l’autorité publique et de ses agents (gendarme pour nous),  quel jeune veut vraiment s’engager dans ces carrières ? On ne peut pas non plus ignorer les conditions de vie promises aux candidats gendarmerie. Vie familiale, salaire, temps de travail et stress  ne sont pas vendeurs pour le recruteur. L’épanouissement par le travail n’est plus à la mode (37% des français avouent pratiquer la « démission tranquille » Ifop 2023).

Au manque de candidats, se pose aussi la sélectivité du recrutement pour un candidat à la fonction de gendarme ? Des campagnes de recrutement intenses sont menées pour garantir cette sélection, elles ont néanmoins leurs limites face à la concurrence du marché de l’emploi.

Alors, quelles « réformes structurelles » peut-on prendre pour palier ces difficultés. La Cour des Comptes propose une nouvelle définition de parcours de carrière, avec des  priorités d’affectation pour une attractivité meilleure dans l’emploi ; l’amélioration matérielle des conditions de travail ;  la formation continue ;  l’action sociale. Ces mesures sont plutôt destinées aux personnels en place mais ne portent pas sur le recrutement qui reste le défi  majeur pour le schéma futur de la gendarmerie.

Comme toute science humaine,  la sociologie, lorsqu’elle  traite de l’engagement,   demande une approche pragmatique mais précise  de la population visée. C’est le cas pour le recrutement des militaires de la gendarmerie.


4 thoughts on “De l’attractivité du métier de gendarme

LAUNAY

C’était prévisible, à l’époque des 35 heures 00 le métier de gendarme n’est pas attractif. La politique
actuelle vise à augmenter le nombre de petites unités pour plaire aux élus, mais pas aux gendarmes. Le logement de fonction est intéressant en début de carrière, ensuite beaucoup de militaires le déserte sauf durant les astreintes. La vie en caserne n’est pas attractive, sauf peut-être en certaines banlieues où il est préférable de vivre en groupe. Le système police parait plus adapté avec les 3X8. Pour cela il faudrait créer de grosses unités niveau compagnie voir groupement, privilégier la proximité du gendarme sur roues et pas dans un bâtiment. çà va à l’encontre de la politique actuelle. Quoiqu’il en soit ce sera la fin de la gendarmerie.

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DANIEL GONFROY
DANIEL GONFROY

Belle synthèse de notre président, sur un sujet que je n’ai pas oublié de commenter dans mon rapport moral lors de notre dernière AG du 8 octobre.

Effectivement, les hémorragies d’effectifs augurent un avenir bien sombre pour la gendarmerie et l’ensemble des forces de l’ordre. Beaucoup d’unités ont un sous-effectif chronique. L’adéquation; difficulté de recruter et baisse du niveau de recrutement, ne peut qu’aggraver la situation.

A la lecture de ce rapport, il est clair que comme la police nationale, la gendarmerie traverse une crise majeure. Une crise qui risque de compromettre ce qui faisait jusqu’à présent sa valeur intrinsèque. Il n’est plus temps de se voiler la face et minimiser les effets du malaise. Il devient primordial et urgent, qu’en haut lieu, Ministère de l’Intérieur et DGGN, apportent des solutions qui permettront d’enrayer ce phénomène, le plus rapidement possible.

Au regard du bilan fait par la cour des comptes et de l’annonce “Politique”, de la création de 238 nouvelles brigades (93 fixes et 145 unités mobiles), on est en droit de se poser la question: Comment va-t-on armer ces unités et à quel rythme?

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ROLLAND

Ce n’est pas possible que la situation actuelle de la gendarmerie surprenne (je suis un ancien C.B.)alors que tout a été fait,tant par nos patrons Gie que par les politiques depuis au moins trois décènies pour y parvenir. Désormais les jeunes ne connaissent pas le métier de gendarme. Ils ne voient en eux que le coté répressif et pour cause,qui a maintenant (la chance) d’avoir l’occasion de s’entretenir,de discuter avec une patrouille de gendarmes. Personne. C’est considéré comme une perte de temps.Je suis retiré dans un petit village(200 habitants),la brigade est sise à 5 Km,mais ( grâce ) à la Communauté de Communes,je ne connais personnellement aucun personnel de l’arme. Voila bien quinze ans que je n’ai pas vu un képi chez moi et même le Maire du village avait un grief similaire.Par contre,les jeunes connaissent leurs grosses difficultés:travail de nuit – dimanches et jour de fêtes – discipline – affectations – vie en caserne – etc Rien pour les encourager. Alors puisque cela a été voulu,organisé disons bravo vous avez réussi !!!

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Olivier PONTNEAU

“On récolte ce que l’on a semé” c’est aussi simple que ca ! Moi le gendarme auxiliaire devenu gendarme départemental dans 6 brigades et 1 section de recherches qui a terminé sa carrière Adjudant Chef après 27 ans dont 14 années en Corse et 4 ans en Polynésie. J’ai fait mes premières armes en 1989 dans une “Brigade Compagnie” dans la Creuse où j’ai appris le métier auprès des “anciens “. Ils n’avait pas de “diplôme universitaire ” mais savait “écrire” et plutôt bien, j’ai appris ce que c’était une “circonscription” et une population avec laquelle il fallait rentrer en contact pour tisser des liens privilégiés, en un mot “vivre avec la population de sa circonscription” c’est ce qui faisait à mon sens toute la force de la gendarmerie de part son maillage territorial. Eh bien comme ca marchait trop bien depuis des siècles “ont” a tout “saborder” par des dissolutions d’unités regroupements par l’arrivée d’officiers dans les grosses brigades reléguant les gradés supérieurs à des taches secondaires et subalternes. De plus pour couronner le tout ont a assister à une longue descente aux enfers de l’institution judicaire ou des lois de plus en plus laxistes ont fait que favoriser le délinquant par de plus en plus de “droits” en passant pour perte et profit la “victime” qui n’a qu’un seul droit celui de “pleurer” de préférence en silence. j’en veux pour preuve que la victime n’a toujours pas le droit de faire appel d’un jugement alors que l’auteur à 10 jours pour le faire. durant toute ma carrière j’ai été passionné par le “judicaire” et j’ai fini par “jeter l’éponge” devant tant d’aberrations et de complexités procédurales en un mot “ils ont tués le métier” .
C’est aussi pour cela que la gendarmerie n’arrive plus a recruter en nombre pour compenser les nombreux départs à la retraite ou en reconversion . Le métier n’est plus attractif surtout quand ont voit le degrés de violence qui s’exerce à l’encontre des forces de l’ordre par les “sauvageons de banlieue” qui n’hésitent pas rouer de coups de pieds dans la tête un représentant des forces de l’ordre ou à lui tirer dessus avec des mortiers d’artifice.
De surcroit l’institution en matière de ressources humaines s’est fourvoyée en multipliant comme les petits pains le nombre d’officiers généraux et d’officiers supérieurs qui font une carrière et non pas un métier alors qu’il aurait fallu recruter des gendarmes pour renforcer aussi bien les escadrons que les brigades .
Pour changer tout cela il va falloir amorcer un changement de philosophie radical pour redonner envie aux jeunes d’épouser notre “beau métier de gendarme” .

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